28 novembre 2007

Art et vieillissement

Quand la vieillesse nous ramène vers l'art.

Texte : Malena Merlo


"Une personne peut être en parfaite
dépendance avec son entourage
et jouir en même temps
d'une parfaite autonomie d'esprit".

Alexandre Jollien, philosophe
L'expérience des ateliers de peinture auprès du public âgé montre que vieillesse et créativité sont intimement liées.

La vieillesse a été longtemps considérée comme une dégénérescence du corps et de l'esprit. Hors, on sait de nos jours, que "l'esprit ne vieillit pas". Une personne âgée est autant capable d'apprendre et de s'épanouir qu'un adulte (même si les stratégies qu'il développe sont différentes). On peut affirmer sans problème que tout âge est bon pour s'épanouir.

Même des icônes de la peinture comme Picasso ou Matisse ont connu une période créatrice particulièrement féconde à la fin de leur vie. Ceci a été constaté dans bien d'autres cas chez différents artistes.

Si la perte de la mémoire immédiate représente un handicap vis-à-vis des stratégies d'apprentissage, elle ne constitue en aucun cas un obstacle pour ce qui concerne l'expression artistique. Le désir et le plaisir de faire et de partager avec l'autre, semble être un moteur pour développer des nouvelles stratégies conformes aux capacités présentes de la personne vieillissante. Je l'ai constaté moi même à plusieurs reprises lors de mes ateliers.

Il ne s'agit donc pas de questionner la personne et ses capacités, mais de questionner nos conceptions, nos pratiques, notre regard, afin d'éviter la stigmatisation de la perte, quelle qu'elle soit.

Confrontée aux pertes liés aux vieillissement (santé, mobilité, statut social...), la personne âgée n'attend que de mettre en œuvre ses ressources créatrices, souvent inassouvies le long de sa vie. Il ne faut pas oublier qu'on est face à une génération qui n'a pas connu les loisirs, une génération pour la quelle pratiquer de la peinture juste pour ce faire plaisir est pratiquement inconcevable. "De toutes façons je ne suis pas doué! Je ne sais pas dessiner un chat !", sont des arguments bien récurrents... Parce qu'elle est inattendue, la possibilité de s'exprimer par le support artistique devient une vraie découverte, source de désirs, de renarcissisation. La personne âgée accède, presque mal grès elle même, à une liberté d'expression proche de celle de l'enfance. Elle retrouve ainsi un lâcher-prise, une spontanéité et une liberté d'expression propice à leur épanouissement artistique et existentiel.

Le vieux retrouve l'esprit d'un enfant tout en portant en lui une expérience de vie...

L'œuvre de la personne âgée est chargée de contenue, d'histoires, de recul, de sagesse, d'humour et de maladresses. Et c'est pour cela qu'elle me touche.

L'idée que la vieillesse puissent nous ramener vers "un état propice pour l'expression artistique", peut aider nos sociétés modernes à porter un nouveau regard sur nos aînés et sur les personnes atteintes de dégénérescences (maladie d'Alzheimer), mais aussi sur la condition humaine et sa potentialité.

L'art est-il un support privilégié pour le "vivre ensemble" et le "bien vieillir" ?

Est-il une voie pour une approche non médicamenteuse dans le traitement des dégénérescences (maladie du type Alzheimer) ?


A mes yeux la vieillesse a beaucoup de choses à nous apprendre sur les mécanismes de création du langage artistique et sur l'incidence que celui-ci a sur le développement de l'identité existentielle de l'individu : son rapport avec soi, avec l'autre et avec le monde qui l'entoure.





L'art n'est pas une question d'âge.
Il ne s'agit pas non plus d'être doué, mais plutôt d'oser...

Nos aînés sont là pour le prouver !


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